vendredi 27 février 2004, par
,
version imprimable de l’article
L’auteur
Le manuscrit des deux textes a été découvert, il y a quelques années, dans les archives de la Congrégation de la Mission dite Lazariste à Paris, rue de Sèvres, par Megan Vaughan, historienne de l’Université de Cambridge. Elle a obtenu la permission d’en faire des photocopies qu’elle a transmises à Philip Baker en octobre 2002. Nous remercions vivement Monsieur Claude Lautissier C.M., directeur des Archives Lazaristes, de nous avoir accordé l’autorisation de publier ces textes dans CREOLICA. Notre édition sera suivie prochainement d’une analyse des structures grammaticales et du lexique.
Les textes « en jargon des Esclaves Nêgres » sont accompagnés d’une brève notice biographique et d’une biographie dactylographiée de l’auteur, sept pages non-signées et non-datées dont nous nous sommes servis pour les informations que nous donnons par la suite (référence : BD).
Philippe-Albert Caulier, né à Beugnies (diocèse de Liège) en 1723, fut reçu à la Congrégation des Lazaristes en 1742 et fit ses vœux en 1744 ; cinq ans plus tard, il partit pour l’île Bourbon où il resta jusqu’en 1771. M. Teste, son supérieur à Saint-Denis, lui confia la paroisse de Saint-Pierre où « il remplit toutes les fonctions d’un pieux et zélé pasteur à la satisfaction de son troupeau qui ne tarda pas à apprécier ses éminentes qualités » (BD p. 1). En 1752, il fut transféré à la cure de Sainte-Suzanne, où il « se montra comme un vrai père de la population qui lui était confiée, les blancs et les noirs, les libres et les esclaves furent l’objet constant de sa sollicitude ». Peu de temps après, il dut, à son grand regret, quitter cette paroisse « pour aller partager à St Denis la sollicitude de M. Teste » qui « avait besoin auprès de lui d’un confrère tel que M. Caulier pour le seconder dans l’œuvre si importante de la construction du collège qu’il commença en 175... [sic] » (BD p. 2). Dès que le collège put recevoir les premiers élèves, « M. Caulier fut chargé d’ajouter à ses autres soins celui de la direction des études et de la surveillance des maitres et des élèves » (ibid.).
Dès son arrivée à Bourbon, le père Caulier prit à cœur le sort et l’instruction chrétienne des esclaves. Au milieu du XVIIIe siècle, la majorité des esclaves à Bourbon étant des Malgaches, il se familiarisa avec la langue malgache : [1]
Le sort des esclaves émut particulièrement son cœur si naturellement compatissant, et dès lors il leur porta une affection paternelle ; pour se mettre à même de leur rendre tous les services qui dépendaient de lui, il consacra à l’étude de leurs langues différentes tous les moments que lui laissaient de libre ses autres fonctions curiales. Il n’y avait alors ni grammaire ni vocabulaire de langue malgache à l’exception du premier essai publié par M. de Flacourt lors de son premier voyage en France. Encore n’avait-il pas à sa disposition ce travail informe. Le désir d’être utile à ces pauvres gens lui fit surmonter courageusement les difficultés et les ennuis inséparables de cette étude : il interrogeait les esclaves, transcrivait en caractères ordinaires le son qui avait résonné à ses oreilles et la signification qu’il voyait qu’on y attachait. Il prenait note de la diversité des idiomes parlés par les esclaves, et à force de persévérance, il fut bientôt à même de bégayer lui-même cette nouvelle langue, et de faire quelques questions de catéchisme en malgache ; ce qui intéressait beaucoup les pauvres infidèles qu’il était chargé d’instruire. De bon cœur, il se conforma à tous les usages suivis par les missionnaires dans cette colonie, s’estimant heureux de profiter de leur longue expérience (BD p. 1).
Malgré ses multiples charges à Saint-Denis où il remplaça souvent dans ses fonctions curiales M. Teste, Préfet et supérieur des Missionnaires des Isles de France et de Bourbon, Ph. Caulier continua ses études linguistiques. Entre-temps, il avait pu se procurer un exemplaire du vocabulaire de Flacourt qu’il qualifia d’ « inintelligible » dans une lettre au supérieur général :
Ce vocabulaire est inintelligible aujourd’hui à tout autre qu’à votre petit serviteur, non seulement à cause des fautes d’impressions [sic] dont il fourmille mais à cause des différences introduites dans le style vulgaire et dans les idiomes de certaines provinces (BD p. 3).
Il se voit donc obligé, à cause de « l’indispensable nécessité » où il se trouve « à l’arrivée de nouvelles traites, d’exercer [son] ministère envers les pauvres insulaires de Madagascar » (BD p. 3), de poursuivre la rédaction d’un dictionnaire du malgache qu’il avait commencé à Saint-Pierre. Lorsque, en 1771, une « maladie de nerfs » le mit dans la nécessité de se faire soigner en France, il se rendit à Saint-Paul pour y attendre une occasion de s’embarquer ; en attendant, il y fait le catéchisme en malgache aux noirs nouvellement débarqués (cf. infra). Il revient à Paris en février 1772, avec le manuscrit de son Dictionnaire de la langue de Madagascar dans ses bagages (BD p. 7). Il continue de s’en occuper jusqu’à ce qu’il soit détruit lors du pillage de Saint-Lazare dans la nuit du 13 juillet 1789. L’auteur ne se laisse pourtant pas décourager et entreprend, en 1790,
à l’âge de 78 ans, [2] avec une santé affaiblie et la main droite presque paralysée de refaire de mémoire ce dictionnaire d’une langue qu’il avait cessé de parler depuis 1771. Il refit également la Grammaire malgache, en vue de faciliter l’étude de cette langue aux jeunes missionaires qui se destineraient à porter la lumière de l’Evangile à Madagascar (BD p. 7).
Philippe Caulier mourut à Paris le 6 juin 1795 ; les manuscrits inédits de son dictionnaire et de sa grammaire se trouvent toujours dans les archives de la Congrégation.
Les textes dans leur contexte
Le manuscrit dont nous publions ici les pages 24 à 46, commence avec un « Catechisme abregé en la Langue de Madagascar, pour instruire sommairement les Esclaves de nouvelle Traite, malades ou moribonds, les inviter et les disposer au Baptême, aux Isles de France et de Bourbon », traduction malgache du texte latin écrit dans l’interligne. Le catéchisme est suivi d’une prière latine avec traduction malgache par un « interprète », également dans l’interligne (p. 22), et de quelques réflexions sur les parlers « des divers Provinciaux de Madagascar » ainsi que sur l’enseignement de la doctrine chrétienne aux Malgaches. Ensuite, Caulier fait état de l’utilité d’adopter le « style » des esclaves pour les instruire :
Et afin de se mettre encore mieux au faict de leur Style, rien ne me paroit plus utile, [3] que de se façonner à celui, dont ils usent et travestissent notre Français, lorsque, devenus nos cohabitans, ils sont obligés d’emprunter notre Langue, et de la jargonner autant qu’ils en sont capables. Or, ce Style est tout à fait analogue à celui de leur Langue ; et tout risible qu’il nous paroisse, il est vis-à-vis d’eux, d’une énergie, qui ne paroitra pas meprisable, lorsque le Lecteur aura comparé le morceau que je vais coucher icy, avec la traduction Latine que j’y joint [sic] mot à mot. J’ajouterai à cette espèce de profession de Foy, le petit catechisme de Bourbon, en même Style, par demandes et reponses, telles qu’il conviendroit peut-être de les faire, pour le bon endoctrinement de ces pauvres Esclaves, qu’on ne sauroit bien asservir à notre tournure de langage, et qu’on peut dire, être jusqu’à la mort, néophytes dans la Réligion. Mais au reste, l’usage de ce Style est cõe [comme] indispensable dans le Tribunal de la Pénitence, et dans les instructions, qu’on a à leur faire en particulier (p. 23-24).
Pour Philippe Caulier il est donc évident que le parler dont il use pour l’instruction religieuse des esclaves est une variété, un « style » du français. Il parle du « jargon des Esclaves Nêgres », il dit qu’ils « empruntent notre langue » ou bien qu’ils la « jargonnent », qu’ils « travestissent notre Français ». Le terme ‘créole’ n’y apparaît pas, ce qui n’a rien de surprenant étant donné que, pour ce qui est des créoles français, il ne désigne que rarement une langue avant la fin du XVIIIe siècle. [4] A la fin de la profession de foi (pp. 24-32, avec le texte latin dans l’interligne), il revient à la façon de parler des « insulaires » en ce termes :
Voilà, ce me semble, assez de termes et de tournures de Phrases, pour faire connoitre, à qui voudra comparer leur Style en notre Langue avec le Style de la leur, (aux mots écorchés et leur prononciation près), la suppression des articles, des conjonctions, des Pronoms ou de leurs cas, l’usage des infinitifs, l’expression du Præterit et choses semblablement usitées dans leur Langage naturel ; et pour en conclure, que ces Insulaires parlent notre Langue, avec presque la même methode qu’ils parlent la leur ; ce qui paraitra encore mieux par le Catechisme en même jargon, que je vais ajouter icy, catechisme dont on pourra faire quelque usage ; au moins hors des Eglises, à l’égard des Néophytes, qu’on trouveroit trop peu façonnés à l’intelligence d’un Français correct, tel qu’il est dans l’imprimé, dont on se sert aux Isles ; mais il est toujours meilleur de les assujettir à celui-cy, en ne se servant du mien, que cõe pour commentaire (p. 32).
Après le texte du « Petit Catechisme » (pp. 33-45), Ph. Caulier reprend ses réflexions sur la nécessité d’expliquer « les choses de la Religion » aux esclaves « en ce stile » si le répondant ne comprend rien aux questions que l’on lui pose :
J’ai suffisamment fait observer, qu’il n’a jamais eté d’usage de faire le Catéchisme public des Esclaves en ce stile. Mais il est quelquefois indispensable de leur expliquer ainsi les choses de la Religion, même en suivant le catechisme imprimé, lorsqu’on s’apperçoit que le Repondant, ou n’entend rien à ce qu’on lui demande, ou qu’y comprenant plus ou moins, il ne peut développer sa connoissance. Il faut donc que le Prêtre soit routiné à ce jargon, non seulement pour s’en servir à propos dans le Tribunal ; mais pour expliquer de cette sorte aux Sains et [5] aux Malades, les divers poincts dont ils doivent être instruits, selon leur age, leur capacité et leur besoin actuël ; à faute dequoi on éprouvera souvent la verité de ce que dit l’apôtre, Ero cui loquor, barbarus. J’avouë qu’il se trouve quantité d’Esclaves suffisamment versés en notre Langue ; mais outre qu’il s’en faut bien que ce soit le plus grand nombre on peut assurer que ceux-cy même, par politique ou autrement, affectent de parler de cette manière dans leurs entretiens, et la regardent avec raison, cõe [comme] une version litterale de leur langue maternelle, en laquelle ils suppriment fréquemment Pronoms, articles, mode conjonctions &c. D’où s’ensuit, qu’un Missionnaire ne viendra pas aisément à bout d’apprendre leur Langue originaire, s’il ne se familiarise d’abord à la tournure, que j’ai rapporté fort au long, de leur diction.
Tout ceci donc servira de première Règle pour l’étude de la Langue de Madagascar, à laquelle je vais, selon mon Plan et ma promesse, ajouter [6] toutes celles, que j’ai pû découvrir, tant d’après celles de Mr de Flacourt, que j’estime vraies pour la plupart quoique communément mal observées dans l’Idiome vulgaire des Insulaires, que par des combinaisons des racines et des composés, et plus encore par l’usage de dix à douze ans.
Mais on peut dire en ce genre surtout, que ce qui coute peu à lire, coute infiniment à composer (pp. 45-46).
Transcription des textes [7]
L’écriture de Philippe Caulier est très lisible, la transcription n’a donc posé que peu de problèmes :
L’abréviation St. ou Ste. est notée avec un point après le S surmonté de t ou te. Pour des raisons techniques, nous avons omis le point.
La distinction entre majuscules et minuscules, qui sont utilisées d’une manière incohérente, pose problème surtout en ce qui concerne les lettres S et L, et parfois E ; le petit nombre de lectures incertaines est sans importance pour la compréhension et l’analyse des textes.
Par contre, la distinction entre li et lé pose des problèmes plus graves, surtout pour le linguiste qui veut utiliser les textes pour des recherches grammaticales ou diachroniques, mais il faut dire que les lectures douteuses sont rares. Il s’agit d’occurrences où l’auteur semble avoir changé la graphie après coup ; nous avons signalé ces cas en ajoutant la lecture alternative avec point d’interrogation.
Le mot comme est souvent abrégé en cõe que nous avons laissé inchangé.
La mise en page de la transcription suit exactement celle du manuscrit.
[ms 24]
Moi i crois vrai, bien vrai dans mon cœur n’en a bon Dieu, li qui fini
faire là longtems, longtems, tout ça que nou-i voit, Ciel, terre, Soleil, &c
Bon Dieu Li même, qui fini faire à nous trétous ; li connoit tout ; tout ça qui a
[ms 25]
dans note cœur ne peut pas cacher à li ; nous ne peut pas mentir à li : Tout
ça que bon Dieu dire à nous, bien vrai ; tout ça que li promêt, tenir.
Bon Dieu l’a donné à nous tretous un corps, une ame ; corps pour travail,
pour souffrir et à la fin mourir : Li a donné à nous notre ame, ça qui
fait penser à nous, notre ame, moi i dis, pour connoitre à Li, servir
à Li, apprendre prières, catrecime, et gagner Paradis, quand nous
fini mourir. Bon Dieu n’a pas metté à nou au monde, pou jurer,
mentir, voler, courir, faire malice, pensé malice, &c. Li mettre à
[ms 26]
nous autres icy même, pou vive bian comme i faut ; pas pensé à mal,
pas faire mauvais peché, pas faire ça que Bon Dieu defend, mais faire
tout ça que li commande à nous. Servir, aimer bon Dieu, ça même li
i entend, ça même li i veut. Bon Dieu il est partout, li qui fait vivre
à nous, qui donne à nous tout ça qui est note besoin, li qui sogne à
nous la nouict, le jour. Moi croir itou dans mon cœur Bon Dieu n’ena
Son fils, Son nom à li Jesuchrît, note Signeur. Li fini venir au monde
dans li tems passé ; li fini prendé un corp et une ame, comme nous auttes
même dans li ventre de Sa maman, Marie tres Ste Vierge. Car li n’étoit
[ms 27]
pas fini marier, mais tant seulement fiancée à St José, qui n’a jamais
touché à li. St José et Vierge Marie, vivre comme ça même ensembe,
manière frère et sœur. St José travailler metier charpentier, et la Ste Vierge
sogner menage, ça que brave femme doit faire. Maski, ça qui faire devenir
mere de Dieu, Ste Vierge Marie, St Espirit même, troisième Parsonne la Sainte
Tarnité, pour l’amour nous autes, pou tout le monde. Car si J.C. n’a pas prendé
corp et ame, si li n’a pas faire homme, nous tous pardus tous damnés ;
Li fini venir au monde pou racheter à nous autres tous, pauvres Saclaves du
Diabe, à cause peché que nou i apporte en venant au monde, et à cause tout ça
[ms 28]
que nou i fait mechans pechez, mauvais malices. Note Signeur J.C. fini
passer age marmaïe, et commencé à gagner barbe, deja li travaïe, beaucoup
beaucoup suïer, metier St José, stila qui estimé être son Papa ; à celle
fin de condamner tous stila, qui aimé faire la cagne, faire grand paresse.
Après ça, N. Signeur prêcher catrechime à tout lé [li ?] monde qui accourt
après li, faire miraques, guéri maladies, faire reproche à ceux qui ne
vivre pas bien, A cause ça même, les gens des son Pays, les Juîs - moi i dit,
faire beaucoup rage contre li, eux autes n’a pas vouloir reconnoit à li,
n’a pas vouloir acouter son bons paroles ; Li voulu montrér bon espirit,
[ms 29]
bon Service bon Dieu à tout li monde ; mais eux autes malins, beaucoup
michans touzour mocque à li, touzour siputer contre li, touzour charcher
à tuÿer à li. Enfin quand Bon Dieu fini permette à eux autes grand
canaïe là, de faire mourir son Fils à li ; michantes gens-la, par grand
et terrible malice, courir vîte prende J.C. dans un jardin, la nouît, où
ça que li acoutumé faire bonne et long prière ; amarer à li, trainer
à li par les chemins et dedans les bouës, accuser à li grandes menteriës,
à devant les Prêtres et Conseïers de leur Pays, dire que note Signeur faire
mauvais complot, que li montrer mauvais cabale à tout ça qui vient acouter à li.
[ms 30]
Eux autes-même, michans Juges et Sacabirs-la, souffler étout ces vilains
menteries, crier rage contre li, mener à li devant le Gouverneur, li Payen, et
ne pas connoite bon Dieu. Quand J.C. N. Signeur fini rendre devant li, son nom
à li Ponce Pilate, gouverneur payen-là, première, li avoir envie délivrer J.C.,
mais son zoréïes beaucoup lasses, à la fin, li rendre mauvais jistice contre bon
Dieu. Pilate, moi i dis, faire amarer à li à un piquet comme mauvais Saclave,
fouëtter à li, dechirer à li zusqu’aux os. Fini fouëtter, corcher longtems longtems,
Soldats donner à li grands coups de soufflets, coups de poings, coups de piés, tant
[ms 31]
que li pover porter, cracher sus li, mocquer à li : Puis bander Son zieux,
mette sus Son tête couronne d’Esquines et longs picans ; puis enfoncer dans
Son tête à coups de triques, et ça tant que la nouïct durer. Fini faire soufrir
à note Signeur, tous ces michans malices là, eux autes tretous, Pilate li même,
tenir encor conseïe, et condamner tou ensembe note Sauveur Fils de Dieu, à
mouri clouté sur une Croix. Michans Juif-là beaucoup bien aises, à cause
li Gouverneur Pilate fini consenti leu michant l’envie. Eux autes après ça
conduire à li au haut d’un Piton, là même clouter Son piés Son mains su la croix,
et quitter mourir à li cõe ça même, après que li fini repandre tout son Sang.
[ms 32]
Ça même note Signeur J.C. l’a fait pou racheter à nous autes, pou gagner grace à
tout li monde, pou tous les pechez que nou i fait conte bon Dieu. Après tout ça
note Sauveur fini rassissiter 3e jour, li monter au Ciel, et à la fin du monde
revenir encore pou juger les vivans les morts. Moi i crois encor le St Espirit &c &c
[ms 33]
Leçon 1re
Demande. Toi l’est Chretien ? Reponse. Ouï, moi l’est Chrétien par la grace bon Dieu.
(ou bien) Non, moi n’a pas encor Chrétien, moi content gagner Baptême et servir bon Dieu.
D. Toi connois bonDieu ? R. Moi connois. D. Quoi ça bonDieu ? R. Li qui
fini faire le Ciel la terre tout ça qu’y en a dans li monde. D. Comment Dieu l’a fait
le monde ? R. L’a fait d’à rien par son grand, son seul puissance.
D. N’en a plusieurs Dieux, deux trois, quatre ? R. N’en a bonDieu tout seul, n’a pas
deux, n’a pas trois, n’a pas quatre ; maski [8] un bon Dieu tant seulment, li ne peut pas
avoir camarade. [9] D. Où qu’il est bonDieu ? R. Bon Dieu l’est partout, au Ciel,
icy même, li voir à nous la nouïct cõe lé [li ?] jour. D. A cause donc nous y ne voit pas
Bon Dieu ? R. à cause qu’ili [qui li] etre un espirit, ça que note zieux ne peut pas voir.
D. Bon Dieu n’en a un corps ? R. Non va. D. Nous y peut cacher nous autes
au bon-Dieu ? R. Non va. Li est partout, li voir tout, tout ça que nou i pense,
tout ça que nou i fait, li entend li acoute tout ça que nou i dit. D. Bon Dieu
l’a toujour été ? R. Ouï, li n’a pas eû commencement, li pas jamais finir.
D. Qui ça qui finit faire à nous aute tretous et metté au monde ? R. Bon Dieu même.
[ms 34]
Dem. A cause l’a metté à nous dans li [lé ?] monde ? Rep. Pour que nous connoitr’ a li,
aimer, servi à li bian cõe i faut. D. Bon Dieu n’a pas metté à nous dans le
monde pour touzou vivre, touzou boire, manger, dormir, faire travail ? R. Non va :
note corps mourir un jour et aller pourrir dans la terre quand que bon Dieu voudra.
D. Notre ame mourir et pourrir etout ? R. Non va : quand li monde finir, notre
ame veni charcher note corps. D. Comment ça notre ame treuver notre corps, fini
pourrir ? R. Bon Dieu fera treuver. D. Fini treuver, où ça qu’ira note corps ?
R. Si notre ame aller en Paradis, note corps itout : Si notre ame aller au Diabe en Enfer,
li étout. D. Note corps donc arvenir en vie quéque jour ? R. Ouï. Li revenir, et
après ça notre ame et note corps touzour ensemble, jamais pus quitter l’in l’autre.
Leçon 2me
Demande. Combien n’en a Personnes en Dieu ? R. N’en a trois, Pere, Fils, St Espirit.
D. Le Pere est Dieu ? Le Fils est Dieu , le St Espirit est Dieu ? R. Ouï va. D. Ça même
trois bonDieux ? R. Non va : Ça même trois Parsonnes-là qui appellé S. Tarnité.
D. Quoi ça la Ste Tarnité ? R. Maski, un Dieu qui faire trois Parsonnes,
et trois Parsonnes-là même, un Bon-Dieu tant seulement. D. La Ste Tarnité et
Dieu, tout de même donc ? R. Même chose. D. N’en a quequ’une trois Parsonnes-
-là, plus beaucoup grand, plus beaucoup fort, plus beaucoup vieille que l’aute ? R. Non va,
à cause tou-trois même Dieu. D. Parsonne qui appellé Père, stella qui appellé Fils,
[ms 35]
stella qui appellé St Espirit, ça même Parsonne étout ? R. Non va : Eux autes
trois Parsonnes differances. D. A cause nou i croit, trois Parsonnes differances
ne faire qu’un Bon-Dieu tant seulement ? R. Nous i croit, à cause bonDieu et
l’Eghilise dire à nous ça l’est bien beaucoup vrai.
Leçon 3e
D. N’en a quequ’une trois Parsonnes la Ste Tarnité, qui faire homme cõe nous autes ?
R. Ouï, n’en a une. D. Laquelle ? R. La 2de Parsonne. Dieu li Fils. D. Dieu
le Pere n’a pas faire homme ? R. Non, li n’a pas faire homme. D. Dieu le St Espirit
n’a pas faire homme ? R. Li non pretre. D. Qui donc ça qui se faire homme ? R.
Dieu le Fils seulement. D. Comment qui nomme à li ? R. Li appellé Notre Sgr Jesus-Christ.
D. J.C. note Signeur, Dieu et homme tout ensembe ? R. Ouï Li Dieu, tout Etarnité,
comme le Pere, le St Espirit, et homme dans li tems. D. Quoi ça faire homme, devenir
homme ? R. Sta dire que li a prendé corp et ame pareïe à nous comm’ à nous.
D. Où ça que Fils de Dieu a prandé corp et ame. R. Dans li Sein de la Ste Vierge
Marie, son maman, par grand marveïe St Espirit. D. A cause Fils de Dieu se faire
homme ? R. Pou rachiter à nous tretous pauves Saclaves du peché, pou empêcher que
nous aller en Enfer, et pou gagner à nous Paradis. D. Est’ce [Est-ce] que nous tertous venir
au monde, Saclaves du Diabe et du Peché ? R. Ouï, nous venir au monde Saclaves
ça même, à cause grand Peché d’adam [sic], premier Pere à nous. D. Comment que N. Sgr
[ms 36]
Jesus-Christ fini racheter à nous autres ? Li fini racheter avec Piastres ? R. Non va.
Li racheter à nous par son sang, par la mort, li fini souffri et mouri pour nous.
Leçon 4e
D. Qué jour notre Signeur l’a été conçu ? R. Li jour l’annonsation. D. Qué
jour li venir au monde ? R. Jour Noël, stila même qui chanté Messe la nouïct,
premier coq chantant. D. Qué nom l’a donné à li ? R. Nom de Jésus. D. Quoi ça
veut dire, Jésus ? R. Veut dire Sauveur. D. A cause qui appellé li Sauveur. R. à
cause Li venir su la terre pou sauver tout li [lé ?] monde. D. Qué jour Rois beaucoup
savans, beaucoup bon l’esprit accouri loin loin, et veni metté à ginoux devant li dans
son caze, proche son cabane ? R. Jour Piphanie, jour des Rois. D. Que jour lé
commandé St Saquerment La Messe ? R. Jeudy la semaine Sainte, jour avant, li fini
mourir. D. Qué jour l’est mort ? R. Venderdi-Saint, jour que li monde baiser
la Croix à l’Eghilize. D. Où que li est mort ; su son cabane ? R . Nanni : Li est mort
clouté à la Croix. D. Qui ça qui faire mourir à li ? R. Gouverneur qui appellé Ponce
Pilate, condamner à li, comme ça même, par mauvais malice. Mais note Signeur fini
mouri, à cause que li a bien voulu. D. A cause N. Sgr voulu mouri ? R. A cause li
resolu païer poutous li [lé ?] monde, grand-Peines nous merité par notte Pechéz. D.Maski, [10]
Si notte Signeur n’a pas mourir pou nous, quoi qui arrivé à nous ? R. hébé ! nous
autes tous pardu tous Damnés. D. Ou ça que l’a metté corps notre Signr, après que li
[ms 37]
fini mouri ? R. Braves gens metté son corps, didans grand l’auge de pierres.
D. Et son ame, où que li aller ? R. Son ame été allé aux Limbes charcher les ames des
justes, pour mener eux autes en Paradis. D. Li corps N. Signeur quitté mort longtems ?
R. Nanni ; Jesuschrist arsuscité 3e jour, après que li fini mourir. D. Quoique vou
i entend, quand vou idit [i dit], que N. Sgr arsuscité 3e jour. R. Moi i entens, moi i dis,
que son ame fini prendé son corps, li sorti glorieux, hors gros roche, où qu’eux autes
avoir metté son corps, et qu’ast’heure, n’a pas capable mourir davantage. D. Qué
jour Note Signeur arsuscité ? R. Jour de Pâques. D. Quoique Li a fait, après que
fini arsusciter ? R. Note Signeur faisé voir et montrer son Parsonne à tous sonz-
apprentis, et y a resté sus terre avant monter au Ciel. D. Qué jour fini monter au
Ciel ? R. Jour l’Ascension. D. Qué jour l’anvoïé St Espirit à sonz-apotres. R.
Jour la Penticote. D. Puis ce tems-là, où ça qu’il est note Signeur. R. Comme Dieu
l’est partout ; cõe homme l’est au Ciel, au St Sakerment l’autel, là qui dire Messe.
Leçon 5e
D. Quéque jour Note Signeur J.C. revenir encor sus la terre ? R. Ouï, li revenir encor
à la fin du monde. D. Quoi faire ? R. Li venir juger les Bons, les michans. D.
Quoi-ça que li donner aux Bons ? R. Donnera Paradis. D. Quoi ça Paradis ? R. Paradis
est un lieu où qu’i aura touti sorte de Biens, maski [11] jamais de mal. D. Qué bien i
aura en Paradis ? R. En Paradis touzou voir Bon-Dieu, touzour aimer B. Dieu, touzour
bien avec B. Dieu, sans jamais craindé perde à li. D. Qué faire pour aller en Paradis ?
[ms 38]
R. Garder Commandemens de Dieu, de l’Eghilise. D. Combien Commandemens de
Dieu ? R. N’en a dix. D. Dire ? R. Un seul Dieu tu adoreras…&c ?
Nota. – Comme tous les Nêgres, sans presque en excepter un seul, estropïent la
plupart des mots de cette antique Poësië française, sans même y rien
comprendre de suivi, il est important de leur expliquer les Préceptes, de
la manière et dans le Style qui suivent, et qu’ils entendent très-bien.
1er | Adorer, faire bons Prières au bon Dieu, aimer à li grand bon cœur, bien cõe i faut. |
2e | Pas jurer jamais, pas faire Sarment aucun. |
3e | Pas travaïer Dimanche, servi bon Dieu à l’Eghilise. |
4e | Porter raspect, obeïr à Pere et Mere, à Maitre, Maitresse, à tout ça |
qu’a droit commander à nous. Pas arzonner contre eux autes. | |
5e | Pas tuïer jamais Parsonne, ni vouloir mal à li dans nôte cœur ; jamais. |
battre à li, jamais rendre, coups de bâtons, coups de piés, coups de soufflet ; | |
jamais garde rancune, ni que li cœur i brûle contre stila qui fâche à nous, | |
qui mocque à nous, qui buche à nous : touzou bon camarade avec stila, | |
qui tourmente à nous, qui haïe à nous, qui argarde ànous de travers. | |
6e | Pas courir, pas faire auquin malice avec les fïës, les femmes des autes : |
Pas garder auquêne dans son caze : pas gâter menage des autes, ni | |
note corps. Pas parler malice, pas penser malice, pas prende mauvais |
[ms 39]
pelaisir, que le Diabe i souffle dans li cœur. Tout ça grand grand Peché. | |
7e | Pas vôler à rien : pas garder ça qui est à un aute, malgré li : rendre tout |
à l’heure même. | |
8e | Pas mentir jamais, pas couter, ni inventer menteries contre un aute. |
9 et 10e | Pas avoir jam’envië pour ça qui est à un aute, qui n’a pas à nous. |
Commandemens de l’Eglise.
1er et 2e | Jour qui l’est Fête, garder cõe Dimanche même, venir à la Messe, |
acouter catchîme, bon parole du Prêtre, qui montre à nous l’espirit,. | |
bon service bonDieu. | |
3e | Veni faire confesse dans li carême, dire tout sons Pechés au Prêtre ; |
demande grace, grand pardon bon Dieu, promette à li pulu faire jamais. | |
4e | Avoir envie communier à la Ste Tabe, si le Prêtre y consent. |
5e et 6e | Pas manger la viande Venderdi, Samidi ; pas manger plein ventre, |
jours les jeûnes, et le carême. |
Il est bon d’observer icy en passant, qu’outre le jeûne et l’abstinence, auxquels
les Esclaves ne peuvent être rigoureusement tenus, ils sont encore dispensés, par
une Lettre expresse de feû Mgr de Vintimille, de la prohibition du travail, aux
jours chômés, exceptéz les plus solennels, pourvû néanmoins, qu’ils aïent assisté à
la Messe et aux Instructions Paroissiales, et qu’ils aïent soin, en offrant à Dieu
[ms 40]
leur Travail, ils recitent l’oraison Dominicale et la Salutation angelique. Et c’est
de quoi il est bon de les réavertir Souvent, soit en confession, soit au catechisme,
leur faisant observer encore, que ces travaux s’entendent principalement de la culture
des terres, et autres les moins bruïans, surtout dans les Quartiers, et durant les offices.
Suite du Catechisme
D. Quoi ça Note Signeur donner aux Michans ? R. Donnera l’Enfer.
D. Quoi ça l’Enfer ? R. L’Enfer est un Lieu où qui aura touti sorte
de mal, et jamais auquin bien. D. Qui mal y aura en Enfer ? R. En
Enfer touzou bruler avec li Diabe, touzou sparé de Dieu, touzou tourmenté
par chagrin d’avoir perdi Dieu par sa faute. D. Quoi qui faire aller li
monde en Enfer ? R. Peché moritel. D. Quoi-ça Peché moritel ? R. Stila
qui tuïez notre ame, qui faire perde à nous grace, l’amitié bon Dieu.
D. Faut beaucoup Pechez Moritels pour tomber en Enfer ? R. Maski, n’en faut
qu’un, si nou i meurt avec mauvais peché là. D. Maski, Peché moritel donc
beaucoup grand mal ? R. Ouï va : n’a pas pulu grand mal qu’estila dans li monde.
D. Ça qui encore Paÿen peut gagner grace li, pour tous son Pechés devant B. Dieu ?
R. Nanni. Faut que li gagner son Baptême.
Leçon 6e
D. Toi l’est Kertien ? La Reponse cõe au commencement. D. Grand grace
bon Dieu toi l’est Kertien ? R. ouï va. Plus grand grace qué li pouvé faire à moi
[ms 41]
dans li monde. D. Quoi ça être Kertien ? R. Stila qui fini gagne son Baptême
qui croire [et ?] faire ça que note Signeur montré ànous autes. D. Tout ça qu’est Kertien
aller en Paradis ? R . Non va. Bon Kertiens tant seulement aller en Paradis. D.
Quoi ça bon Kertien ? R. Stila qu’a bon croïance, qui faire tout ça que bonDieu
commande à nous. D. Qui ça michant Kertien ? R. Stila qui ne vêquir pas
bian cõe i faut. D. Qué marque pour montrer toi l’est Kertien ? R.
Signe la Croix. D. Faire signe la croix, bian comme i faut. R. Au nom &c
D. Quand qui faut faire signe la Croix ? R. Bon matin quanqui lève, li fair
quan i couche, quand commence travaïe, et fini à li : quanqui prend bouché manger
quand li Diabe i tente à nous : quand qui trouve danger. D. A cause faut faire
souvent signe la croix ? R. Afin que BonDieu la Sainte Tarnité faire grace ànous,
et que nou i pense touzou, Note Signeur l’est mort sus l’arbre la Croix.
Lecon 7e
D. Combien n’en a Saquerment ? R. N’en a Sept. Baptême, Confirmation, &c.
D. Quoi ça Baptême ? R. Ça même qui lave tout note pechés, qui faire à nou,
Enfans bon Dieu, de l’Eghilise. D. Après que fini baptiser petit l’enfant, li n’a pas
peché davantage dans son ame ? R. Non va. Si li fini mourir encor petit marmaïe,
avant que li commence arzonne, son ame aller tout droit en Paradis. D. Stilà qui
[ms 42]
arzonne deja, ou qui fini deveni grand-monde, aller itout, droit en Paradis,
après que li fini gagné Baptême ? R. N’a pas touzours. D. Quant-ça que
li gagne Paradis tout droit ? R. Quand que li i apporte bonnes dicipocions.
D. Qué dicipocions qui faut que li apporte ? R. i faut qué li croire
bien vrai dans son cœur, tout ça que li Prêtre montré à li catchîme ; i faut
que li arnonce vertablement lé Diabe et tout son Pechez ; i faut que li avoir
bonne envië bien garder commandemens de Dieu, de l’Eghilise. D. Stila
qui conté menterië au Prêtre, pou gagner Baptême, quoi que li i gagne ?
R. Bien vrai que li devient Kertien ; mais li ne gagne pas grace bonDieu ;
Li rester comme Payen même, devant bonDieu, qui connoit son vilains menteriës.
D. Une fois fini Baptizer, peut gagner Baptême encor ? R. Non va. ja-
mais Baptizer qu’enne fois seulement. D. Si après que fini Baptizer, toi
i fai encor mauvais peché, comment faire ? R. Faut que moi aller à
confesse.
De la Penitence.
D. Comment qui appellé Sakerment Confesse ? R. Ça même Sakerment
Pénetence, manière deuxième Baptême, qui face peché que nou i fait, après
[ms 43]
que fini être Kertiens. R. Quoi qui doit faire stila qui va à Confesse ?
R. Faire cinq choses. Première, zaminer son consçience. – Deuxième –
beaucoup fâcher dans son coeur, tout ça qui offense BonDieu. Troisieme –
Pormette à li pas faire mal davantage. Quatrième, Dire au Prêtre tous
les Pechez. Cinquième, pormette paÿer tout son Dettes au BonDieu et à
camarades, et à tous stila qui a faisé tort. D. Quoi ça zaminer
Consçience ? R. Charcher, fouïer dans note cœur tout ça qui a mauvais
pensées, mechans malices, mauvais paroles, mauvai oubliances. D. Faut
zaminer consçience tant seulement jour là même que nou i va pour Confesse ?
R. Jour-la même pinrcipal [sic], et tous les soirs avant d’aller dormir.
D. Quoi ça veut dire, faché avoir offensé BonDieu ? R. Stadire, note
cœur beaucoup chagrin de tous notes pechez : chagrin là même, qui appellé
Contirtion. D. Sans Contirtion là, Bondieu pardonne pa à nous ?
R. Non va : Bondieu pardonne pas jamais. D. Qui qui metté chagrin-là
dans note cœur ? R. Bon-Dieu Li même donne à nous contirtion-là,
quand nou i pense, Peché beaucoup grand mal devant bonDieu : Péché-même
là fait mourir Note Signeur J.C. – Peché y empêche à nou aller en Paradis,
et li envoïe note ame au Diabe en Enfer. D. Quoi ça faire bon Porpos ?
[ms 44]
R. Stadire, mette bian comme i faut dans note cœur arzolution pas faire
peché davantage, moïennant la grace bonDieu. D. BonDieu i donne grace là
à nous ? R. Ouï, bon Dieu i aide à nous, si nou i demande à li par bons Prières.
D. Qué marque i fait connoite bon Porpos ? R. N’en a trois. Première,
sanger la vie. Deuzième, travaïer à corriger mauvais vices. Troisième, pa
aller en mauvais compagné, pou conter, ni acouter mauvais porpos. D. Quoi-ça
sanger la vie ? R. Stadire faire li bien que nous ni faire pas, viter li mal
que nous n’evite pas auparavant. D. Qu’est ce à dire satisfaire à Dieu ? R. Stadire
faire penitence, prières, tout ça que li Prêtre commandé faire, à nous ; donner note
travaïe à Dieu, prende la peine en patience pour l’amour de li, quitter même quequifois
ça qui est permis jouër, divertir, faire badinage, poû punir note mauvais pechez.
De la Communion.
D. Les Noirs, Nêgresses, stila surtout qui fini marier, n’a pa obligé aller la Ste Tabe,
gagner la Communion ? R. Eux autes obligés, cõe les Blancs-même, tacher faire son
Pâques et recevoir li Bon Dieu, quand qui est proche mourir. D. La faute note Signeur
la faute du Prêtre, ou la faute Saclaves même, si eux-autes ne recevoir pas li bonDieu
jamais, pas même quand que bientôt fini mourir ? R. La faute même, grand faute –
Saclaves-même, à cause eux ne vouloir pas ranger la vie bian cõe i faut ; ni ne
sogne pas que Maite, Maitresse, ou li Prêtre même, montre à eux bon l’esprit pour ça.
Nota. Quil [sic] faut beaucoup de discrétion, de prudence, et d’expérience au Local des
Isles, pour admettre les Esclaves à la participation de la Ste Eucaristie, même à la mort,
[ms 45]
et l’on trouve aux Isles, quelque règlement ou Directoire à ce sujet, qu’il faut consulter,
ainsi que sur quantité d’autres poincts interessans du ministère, qu’on a à y éxercer.
De l’Extrême Onction et du Mariage.
D. Après que malade fini confesse, qué Sakerment li Prêtre y donne au Kertien ?
R. Li donner l’extrême onction, les Stes Huiles. D. Quoi ça l’Extrême Onction ?
R. Un Sakerment, manière dernier medecine, pour que l’ame sipporte avec bien
beaucoup patience maladie, peines du corps ; pou effacer ça qui reste pechez ; gagner
grace bon Dieu, pour bien mourir en bon Kertien. D. Nous donc tertous mourir ?
R. Ouï va. Nous ne sait pas qué jour, comment, à quel endroit ; mais quand plaira
Bon Dieu. Touzour tenir prêt, quitter peché, avoir bon consçience, mener vie sage
en bon Kertien. – D. Quoi ça li mariage ? R. Un Sakerment qui heûnit [reûnit]
saintement l’homme et la femme. D. Mariage des Kertiens comme mariages des
Payens, qui quitte ensembe cõe ça même ? R. Non va. Fini marier, quitte pas
jamais, zusqu’à la mort. D. Que devoir i a pou gens mariés ? R. Gens mariés,
homme et femme touzou ensembe vive en paix, bonne amitié dans li cœur, acouter
la raison l’in l’aute, zamai siputer, battre, charché querelle. Zamais courir,
l’homme son bord, femme l’autre bord : garder grand fidelité zusqu’à la mort.
Le mari travaïer bon courage pou son famïe, la femme sogner ménage ; tous deux
ensemble, montrer beaucoup bon l’espirit, prières catchîme, bon service bonDieu, à tous
sonz enfans, si bon Dieu i donne à eux autes.
[1] Sur les dialectes de la langue malgache parlés par les esclaves à Bourbon v. Chaudenson 1974, pp. 467-469.
[2] Si la date de naissance 1723 que nous avons indiquée au début de cette introduction d’après la notice biographique incluse dans le dossier Caulier est exacte, il n’avait que 68 ans.
[3] Nous avons respecté l’orthographe du texte, à une exception près : nous avons systématiquement distingué entre < u >, < i > voyelles et < v >, < j > consonnes (par ex. < utile > au lieu de < vtile >, < instructions > au lieu de < jnstructions >).
[4] R. Chaudenson, Des îles, des hommes, des langues, Paris : L’Harmattan, 1992 : 12. Pour la première attestation du terme ‘créole’ désignant la langue de l’Ile Maurice, dans les Annonces, affiches et avis divers pour les colonies des isles de France et de Bourbon, 10 février 1773, v. Ph. Baker / C. Corne, Isle de France Creole, Ann Arbor 1982 : 248.
[5] Les mots « aux Sains et » ont été rajoutés par l’auteur dans la marge.
[6] Le mot « ajouter » a été rajouté par l’auteur dans la marge.
[7] Nous remercions Guillaume Fon Sing qui nous a aidés pour la transcription des textes.
[8] Au-dessus de maski l’auteur a écrit certes.
[9] Au-dessus de camarade l’auteur a écrit égal.
[10] Au-dessus de maski l’auteur a écrit certes.
[11] Au-dessous de maski, l’auteur a écrit certes.